Nous traitons ici des litiges qui peuvent se faire jour après une décision contestée en matière de protection sociale. Le terme de contentieux ne s’applique, à vrai dire, qu’à partir du moment où le litige est portée devant un tribunal. Mais ce stade étant inséparable de la décision originale contestée, c’est l’ensemble de la procédure qui sera traitée ici.
Il existe plusieurs type de contentieux et chacun comporte sa propre juridiction et obéit à des règles propres :
I - Le contentieux général de la Sécurité Sociale
III - Le contentieux de l’aide sociale et de l’aide sociale à l’enfance
IV - Le contentieux sur les allocations chômage
(qui ne sera pas traité ci-dessous)
Il existe en outre des litiges annexes relatifs à la protection sociale qui se règlent devant les juridictions de droit commun, civiles, pénales et administratives.
En cas d’échec devant les juridictions françaises et lorsque la question porte atteinte aux engagements internationaux souscrits, il est possible de saisir les juridictions européennes ou internationales comme la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
L’accès au contentieux en matière de protection sociale est en principe gratuit puisque le ministère d’avocat n’est pas obligatoire.
Néanmoins, lorsque l’assuré souhaite avoir l’assistance d’un avocat et qu’il n’a pas de ressources suffisantes, il peut solliciter l’aide juridictionnelle. Cette demande se fait au Bureau d’aide juridictionnelle (BAJ), situé dans le ressort du tribunal de grande instance (TGI) du domicile du demandeur [1].
Si l’intéressé n’est pas représenté par un avocat, il doit signer lui-même le recours et se présenter en personne aux audiences. Il peut aussi se faire représenter par une personne habilitée (art. R.142-20 du CSS) :
A l’exception de l’avocat, les personnes qui représentent ou assistent les parties doivent être munies d’un mandat écrit.
La procédure est contradictoire : les parties sont convoquées et donnent leur position à l’audience. Elles peuvent déposer des conclusions écrites pour soutenir et développer leurs arguments.
Dans chaque procédure, il convient de demander le remboursement des frais occasionnés par la procédure, les frais de déplacements et d’avocat éventuel, qui peuvent être mis à la charge de l’autre partie par le juge conformément à l’article 700 du NCPC [2].
Il est très important de respecter les délais de recours. La notification des délais doit, en principe, figurer sur la décision communiquée à l’intéressé. S’ils ne sont pas mentionnés, les voies de recours restent définitivement ouvertes.
Attention :
Le contentieux général de la sécurité sociale traite de tous les litiges qui concernent les régimes légaux de sécurité sociale.
A titre principal, ce sont les litiges relatifs :
Le contentieux de la Sécurité Sociale comporte deux phases :
Saisir la CRA, c’est engager une procédure gracieuse.
Cette saisine est obligatoire pour pouvoir saisir le tribunal des Affaires de Sécurité Sociale (TASS), à l’exception des contestations relatives à l’allocation supplémentaire du fonds de solidarité vieillesse ou invalidité (FSV et FSI) pour lesquelles la saisine du TASS est directe.
Toutefois, en ce qui concerne l’allocation de solidarité aux personnes âgées, (ASPA) et l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI), la commission de Recours Amiable (CRA) doit être saisie préalablement à la saisine du TASS (art R.815-50 et R.815-78 du CSS).
La commission de Recours Amiable (CRA) est un organisme paritaire. Elle doit être saisie dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision. La forclusion [3] ne peut être opposée aux intéressés que si cette notification porte mention de ce délai.
Le recours doit être adressé au Président de la commission de Recours Amiable, au siège de l’organisme concerné.
Le recours doit être formé par l’assuré ou l’un de ses ayant droits ou par l’avocat s’il en a un. Il est préférable d’adresser ce recours par lettre recommandé avec avis de réception.
La procédure est informelle : l’assuré ne peut exiger d’être entendu mais la commission peut demander à l’entendre.
La décision de la CRA doit être notifiée à l’assuré dans un délai d’un mois et elle doit être motivée.
Si la décision n’est pas rendue au bout d’un mois (ce qui est souvent le cas en pratique), cela signifie que la demande est rejetée de façon implicite. L’intéressé peut donc se pourvoir devant le tribunal des Affaires de Sécurité Sociale (TASS).
Deux voies de recours sont éventuellement possibles :
Saisir le TASS, c’est engager une procédure contentieuse. C’est devant ce tribunal qu’est contestée la décision de la CRA.
Dans cette juridiction, le président est assisté de deux assesseurs, l’un représentant les salariés, l’autre représentant les employeurs et travailleurs indépendants. Ils sont désignés pour 3 ans par le président de la Cour d’Appel.
Il y a un TASS dans le ressort de chaque tribunal de Grande Instance (TGI) [1]
Le tribunal compétent varie selon les cas. [4]
En général c’est celui du domicile du bénéficiaire.
Si le demandeur demeure à l’étranger, le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel l’organisme de sécurité sociale ou de mutualité sociale agricole, dont relève ou relevait le demandeur a son siège.
En cas d’accident de travail, le litige peut être porté devant le tribunal du lieu de l’accident.
Si l’accident a entraîné la mort, le tribunal est celui du domicile de l’accidenté
Pour les litiges relatifs à l’affiliation ou aux cotisations des salariés, le tribunal est celui du siège de l’employeur.
Dans la limite de sa compétence le président peut ordonner toute mesure qui ne se heurte pas à une contestation sérieuse, par exemple limiter le montant d’une saisie sur les prestations familiales.
Il peut prescrire des mesures conservatoires ou de remises en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Il peut également accorder une provision à un créancier si l’existence de la créance n’est pas contestable.
Suite à un jugement du TASS, on ne peut saisir la Cour d’appel que si le montant du litige est supérieur à 4 000 €.
Les autres litiges sont jugés en dernier ressort par le TASS. Ils ne peuvent faire l’objet que d’un pourvoi en cassation.
L’appel doit être formé dans le délai d’un mois à compter de la notification par lettre recommandée du jugement du TASS.
L’appel est formé par une déclaration que la partie ou tout mandataire fait ou adresse par pli recommandé au greffe de la cour.
Cette déclaration doit être accompagnée de la copie de la décision.
Devant la Cour d’Appel, la personne doit se présenter en personne ou se faire représenter par l’une des personnes habilitées (art. R.142-20 du CSS).
Il est recommandé de déposer des conclusions écrites faisant valoir les points de droit soulevés.
L’arrêt est notifié aux parties. Il est exécutoire de plein droit même si la partie perdante se pourvoit en cassation.
- Le ministère d’avocat est obligatoire devant la Cour de Cassation.
Les affaires de sécurité sociale relèvent de la Chambre sociale.
Le pourvoi en cassation étant le dernier recours au niveau national, il est ensuite possible d’aller devant les juridictions européennes ou internationales pour contester la violation, s’il y a, des engagements internationaux.
Il existe trois types de contentieux :
Le contentieux du contrôle médical concerne les fautes et autres faits relatifs à l’exercice de la profession au regard de l’assurance maladie (attestations de complaisance, abus de prescriptions, etc..).
Le CATRED ne traite pas ce type de contentieux. Cela ne relève pas de sa compétence.
Cette procédure est ouverte à l’assuré qui conteste une décision d’ordre médical (notamment l’état du malade ou l’état de la victime, la date de consolidation en cas d’accident de travail ou de maladie professionnelle). Elle peut également être initiée par la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) ou la juridiction saisie durant l’instance.
Les contestations mentionnées à l’art. L.141-1 du CSS sont soumises à un médecin expert, désigné d’un commun accord par le médecin traitant et le médecin-conseil, ou à défaut d’accord dans le délai d’un mois à compter de la contestation, par le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales.
L’assuré adresse une demande écrite par lettre recommandée avec avis de réception dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision contestée à sa Caisse. Il précise l’objet de la contestation en indiquant le nom et l’adresse de son médecin traitant.
Dès qu’elle est informée de la désignation du médecin expert, la Caisse établit un protocole mentionnant obligatoirement :
Le médecin expert informe immédiatement le malade ou la victime des lieux, date et heure de l’examen. Il procède à l’examen dans les cinq jours suivant la réception du protocole. Il établit des conclusions motivées en double exemplaire qu’il adresse dans un minimum de quarante huit heures aux intéressés.
La CPAM doit adresser une copie intégrale du rapport au malade ou à son médecin traitant puis elle doit prendre une décision dans un délai maximum de quinze jours. Cette décision est exécutoire par provision et elle peut faire l’objet d’une contestation devant le tribunal des Affaires de Sécurité Sociale (TASS).
1) [Contester une décision concernant l’incapacité de travail, de l’inaptitude et de l’invalidité
En cas de désaccord avec la décision de la Caisse Primaire d’assurance maladie (CPAM), la victime d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle peut saisir :
Soit directement le tribunal de l’Incapacité ,
Soit la commission de Recours Amiable (CRA) de la Caisse Primaire d’assurance maladie (CPAM). La saisine de cette dernière conserve les délais du recours contentieux.(art. R.142-1 du CSS)
En ce qui concerne les personnes handicapées, il est prévu une procédure de conciliation et un recours contentieux :
2) Contester une décision concernant la tarification des accidents de travail
En cas de contestation de la tarification de l’assurance des accidents de travail, il est possible d’exercer un recours gracieux ou de saisir la Cour nationale de l’incapacité (CNI).
La cour peut être saisie dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision contestée. Elle juge en premier ressort et peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation dans un délai de deux mois à compter de la notification.
Les recours sont établis en triple exemplaires. Le secrétariat de la Cour transmet l’un des exemplaires des recours et des mémoires à la partie adverse et l’invite à présenter, sous forme de mémoire, ses observations écrites dans un délai de vingt jours.
Il existe deux types de recours en matière de contentieux de l’aide sociale :
A - Les recours en matière d’aide sociale :
B - Les recours en matière d’aide sociale à l’enfance (ASE) (qui sont soumis aux règles du droit administratif) :
Il est à noter que tous ces recours sont dispensés du ministère d’avocat. Il est cependant possible de demander l’assistance d’un avocat auprès des bureaux d’aide juridictionnelle, situés au sein des TGI. [1]
La CDAS est une juridiction spécialisée, présidée par un magistrat qui se prononce en premier recours sur les décisions des commissions d’admission à l’aide sociale, ou des autorités (Préfet, Président du Conseil Général) décidant des attributions en matière d’aide sociale aux personnes âgées et aux handicapés.
La commission se prononce également sur les recours relatifs aux attributions du RMI, de la CMU complémentaire, de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, de l’aide médicale d’État (AME).
La CDAS doit être saisie dans le délai de deux mois à partir de la date de la notification de la décision par LRAR.
L’intéressé peut demander à être entendu par la commission et se faire accompagner de la personne ou d’un représentant d’un organisme de son choix.
Le ministre chargé de l’action sociale peut attaquer directement devant la commission centrale toute décision prise par les commissions départementales. [6].
La décision de la Commission Départementale d’Aide Sociale (CDAS) peut être contestée devant la Commission Centrale d’Aide Sociale (CCAS) dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision.
Le demandeur peut être entendu et se faire accompagner de la personne ou d’un représentant de l’organisme de son choix.
Cet appel est suspensif [6].
Il est possible de former un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État contre la décision de la Commission Centrale d’aide sociale. Il doit être introduit dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision. Ce pourvoi ne nécessite pas l’assistance d’un avocat.
Il en existe 2 types :
Ces recours ne sont enfermés dans aucun délai. Toutefois l’intéressé à intérêt à se garder une possibilité d’introduire un recours contentieux, car il n’est pas certain d’obtenir une réponse favorable. C’est pourquoi le recours administratif, qu’il soit gracieux ou hiérarchique, doit être formé dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision.
Il est possible de saisir le tribunal administratif (TA) du refus du service de l’ASE dans un délai de deux mois à compter :
de la notification de la décision initiale explicite du service de l’ASE
du refus opposé au recours gracieux ou hiérarchique, qu’il soit explicite ou implicite.
Le jugement du TA est susceptible d’appel devant la Cour Administrative d’Appel.
L’arrêt de la Cour Administrative d’Appel est susceptible d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat.
*****
[1] Consulter l’annuaire des juridictions
[2] Nouveau code de procédure civile
[3] Recours rendu impossible en raison de l’expiration du délai imposé
[4] Article 1 du décret n° 2003-614 du 3 juillet 2003
[5] Article L.144-4 du CSS
[6] Ordonnance n° 2005-1477 du 1er décembre 2005, entrée en vigueur le 1er janvier 2007