Délibération générale de la HALDE en matière de regroupement familial

Dans sa Délibération n° 2010-64 du 1er mars 2010 la HALDE (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Égalité) répond à l’intervention collective des associations AIDES, le CATRED et la CIMADE qui l’avaient saisie sur la difficulté opposée aux retraités, malades, handicapés ou invalides face à leurs demandes de regroupement familial.
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Délibération de la HALDE

La loi du 20 novembre 2007 avait introduit une exception en faveur des titulaires de l’AAH et de l’allocation supplémentaire invalidité et n’exigeait pas d’eux le minimum de ressources obligatoire. Mais tous les autres retraités, malades, handicapés ou invalides non titulaires de ces allocations ou ayant un taux d’incapacité inférieur à 80% continuent de voir leur demande de regroupement familial rejetée et souffrent de discrimination à cet égard.

L’objet de la saisine du 16 octobre 2008 par les trois associations, et de leur relance du 23 novembre 2009, était de solliciter la HALDE pour qu’elle adopte une délibération de principe qu’elles pourraient utiliser dans leurs recours contentieux en faveur de ces personnes. Elles pourraient aussi s’en servir d’argument en direction du pouvoir politique afin d’obtenir une modification de la loi dans ce sens.

Dans sa recommandation générale, la HALDE répond pleinement à la demande de nos associations. Elle estime, en effet, que la condition de ressources en matière de regroupement familial peut constituer une discrimination à raison du handicap, de l’âge, de l’état de santé et de la nationalité du demandeur.

SAISINE DE LA HALDE PAR AIDES, LE CATRED ET LA CIMADE
le 16 octobre 2008

Objet : Demande d’intervention relative aux refus opposés à des demandes de regroupement familial à des étrangers retraités, handicapés, malades ou invalides

Monsieur le Président,

Nos associations AIDES, le CATRED et la CIMADE attirent votre attention sur deux types de difficultés rencontrées par des étrangers qui sollicitent un regroupement familial lorsqu’ils sont retraités, en situation de handicap ou d’invalidité ou touchés par un trouble de santé invalidant :

1/Tout d’abord, nous souhaitons vous signaler le défaut d’application effective de la modification législative portée à l’article L.411-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) par la loi du 20 novembre 2007 et les problèmes rencontrés en pratique par des personnes handicapées ou invalides, titulaires de l’allocation adulte handicapé (AAH) ou de l’allocation supplémentaire invalidité (ASI), quant au dépôt de leur demande de regroupement familial.

2/ Ensuite, nos associations souhaitent interpeller votre Haute autorité sur les refus de regroupement familial opposés à des personnes étrangères retraitées, handicapées, malades ou invalides non titulaires de l’AAH ou de l’ASI.

1/ S’agissant de la première problématique.
Votre Haute Autorité a considéré, dans la délibération n° 2006-285 du 11 décembre 2006, qu’un refus de regroupement familial, opposé à une personne reconnue handicapée, faute de ressources suffisantes, constituait une discrimination. Sur cette base et après une forte mobilisation des associations de défense de droits des étrangers, des handicapés, des malades et des familles, une modification législative est intervenue en novembre 2007, en faveur des demandeurs au regroupement familial, titulaires de l’AAH ou de l’ASI. Désormais, pour ces derniers et aux termes de l’article L.411-5 du CESEDA, la condition de ressources ne leur est plus opposable.

Pourtant, si la loi du 20 novembre 2007 a mis fin à la discrimination qui touchait les personnes titulaires de l’AAH ou de l’ASI qui sollicitent un regroupement familial, il s’avère qu’en pratique la loi n’est pas appliquée : soit parce que l’administration continue à exiger de ces personnes des justificatifs relatifs à leurs ressources, contrevenant ainsi à l’article L.411-5 du CESEDA, soit parce que l’instruction de leur dossier est mise en suspens. C’est le cas notamment dans le département de Seine Saint Denis.

Suite à un appel téléphonique de l’association CATRED à l’ANAEM [1] du 93 (une personne de ce département, reconnue handicapée et bénéficiaire de l’AAH, n’ayant pas pu déposer sa demande de regroupement familial), cette dernière a indiqué que les dossiers soumis à l’article L.411-5 du CESEDA étaient bloqués « faute de circulaire interne » (situation n° 1).

Or, l’entrée en vigueur du nouvel article L.411-5 du CESEDA n’est nullement subordonnée à l’adoption de décret d’application ni à la diffusion d’une circulaire. L’argument de défaut de texte d’application n’est donc pas recevable, et ce d’autant que, dans les faits, il porte atteinte au droit des personnes handicapées, malades ou invalides, titulaires de l’AAH ou de l’ASI, de mener une vie familiale normale, tel que prévu à l’article 8 de la CEDH.

Par ailleurs, il est important de souligner que dans les départements de Paris et du Val d’Oise, les personnes de l’ANAEM que le CATRED a pu avoir au téléphone ne connaissent pas toujours la modification législative du CESEDA intervenue en faveur des demandeurs au regroupement familial, bénéficiaires de l’AAH ou de l’ASI.

Il nous paraît par conséquent nécessaire et urgent que votre Haute autorité intervienne auprès du Ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire afin que ces personnes puissent disposer d’un droit effectif au regroupement familial.

Nos associations ont de leur côté saisi le Ministre de ce grave dysfonctionnement, par courrier en date du 27 avril 2008. Une réunion de travail a eu lieu avec les services du Ministère, le 27 mai 2008, afin de faire l’état des lieux des dysfonctionnements constatés et de tenter d’y apporter une solution.

Au cours de cette réunion, nos interlocuteurs ont estimé qu’il serait effectivement opportun de rappeler aux préfectures et à l’ANAEM que le dispositif concernant les bénéficiaires de l’AAH ou de l’ASI est d’application immédiate.

Sans nouvelles du Ministère, nous ne savons pas si une circulaire a bien été adressée à ces services.

2/ S’agissant de la seconde problématique, à savoir le fait que le nouvel article L.411-5 ne concerne qu’un nombre limité de personnes étrangères et aboutit aujourd’hui encore à rejeter les demandes de regroupement familial déposées par des personnes malades, retraitées, handicapées ou invalides.

Il nous paraît également nécessaire et urgent que la HALDE se prononce expressément, à la suite de la délibération n° 2007-370 du 17 décembre 2007 qui considérait que le projet de loi Hortefeux « écartait de fait les populations les plus vulnérables, tels que les malades et les personnes âgées, aux revenus souvent faibles ».

Plusieurs situations ne sont pas couvertes par la modification législative :
- les personnes en situation de handicap, souffrant d’un trouble de santé invalidant ou invalides non titulaires de l’AAH ou de l’ASI sont exclues de la modification législative alors même que l’insuffisance de leurs ressources peut entraîner un refus de regroupement familial. Il s’agit par exemple de personnes qui, en dépit de leur incapacité partielle de travail, travaillent à temps partiel, de manière irrégulière dans le temps ou réduite. Les revenus issus de leur activité professionnelle sont alors trop faibles pour atteindre le SMIC mais trop élevés pour qu’ils puissent bénéficier de l’AAH et de l’ASI, ce qui les dispenserait de remplir la condition de ressources pour l’obtention du regroupement familial (situation n° 2).
- les personnes étrangères retraitées qui touchent une pension de retraite d’un faible montant ou qui sont, bénéficiaires de l’allocation supplémentaire vieillesse ou de l’allocation de solidarité aux personnes âgées ne peuvent aujourd’hui déposer de demande de regroupement familial sans se voir opposer de refus. Il s’agit de personnes dont les ressources n’atteignent pas le SMIC du fait de leur mise à la retraite ou des personnes handicapées ou invalides qui ne touchent plus l’AAH ou l’ASI depuis qu’elles ont acquis le statut de retraité (situations n° 3 et 4).
- les personnes malades se voyant opposer un refus à leur demande de regroupement familial du seul fait qu’elles sont titulaires d’une carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale » pour raison médicale (article L.311-11-11° du CESEDA) sous prétexte qu’elles n’auraient pas vocation à rester sur le long terme sur le territoire français. Et ce, alors même qu’elles remplissent les autres conditions pour pouvoir prétendre au regroupement familial et que la loi n’exclut pas du regroupement familial les étrangers titulaires d’un titre de séjour pour raisons médicales (situation n°5).

La loi, en ignorant ces situations, porte atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale :

Si le juge administratif a tendance à écarter la violation de l’article 8 de la CEDH lorsque les conditions légales de ressources et de logement ne sont pas remplies par le demandeur au regroupement familial, il en va autrement lorsque la situation personnelle de l’intéressé commande qu’il soit fait droit à sa demande de regroupement familial, nonobstant la faiblesse de ses revenus.

Dans la lignée de la jurisprudence FICIENNE (jugement du tribunal administratif de Paris, en date du 26 mars 1999), la juridiction administrative a en effet maintes fois censuré des décisions de refus de regroupement familial, comme étant contraires à l’article 8 de la CEDH, en considérant que « nonobstant la circonstance (...) que les ressources soient inférieures au SMIC, le préfet, en rejetant la demande de regroupement familial présentée pour son épouse par un étranger dont l’état de santé nécessite la présence d’une aide, a porté au droit de l’intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée » (notamment TA Marseille, 18 mars 2003, n° 00-4886 ; B. c/ Préfet du Vaucluse ; TA Limoges 5 février 2004, n° 2354, M. ; TA de Paris, 2 décembre 2005, Z. c/ M. le Préfet de police de Paris, n° 031 5328).

Il faut également rappeler que si l’article 8 de la CEDH autorise l’ingérence des États dans ce droit à la protection de la vie privée et familiale, c’est uniquement lorsque l’ingérence est fondée sur un besoin social et impérieux et que celle-ci est proportionnée au but légitime recherché.

Or, le dispositif législatif actuel exclut les personnes âgées, malades, invalides ou handicapées, non titulaires de l’AAH ou de l’ASI, disposant de faibles revenus, de la possibilité de demander à être rejointes par leur famille en France, du seul fait de leur âge, de leur handicap, de leur maladie ou de leur invalidité, alors que ces personnes ont le plus souvent, compte tenu de leur situation un besoin impérieux d’être entourées, assistées et soutenues par leur famille (qu’il s’agisse d’un soutien physique et/ou moral).

Ce faisant, la loi revient à porter une atteinte disproportionnée au droit des intéressés à mener une vie privée et familiale normale en France.

La loi, en ignorant ces situations, commet des discriminations à l’encontre des étrangers en raison de leurs ressources, de leur âge ou leur état de santé :

Aux termes des articles 14 de la CEDH (combiné avec l’article 8) : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ».

Refuser le regroupement familial à ces personnes crée donc une discrimination quant au droit à la vie privée et familiale, lui même garanti à l’article 8, au regard à la fois de la fortune, expressément visée, et de l’âge ou de l’état de santé, qui entrent au nombre des discriminations interdites par l’article 14 dont la liste n’est pas limitative, ce qui résulte de l’emploi de l’adverbe « notamment », de la mention de « toute autre situation », et qui est confirmé par la jurisprudence.

Sous couvert d’un critère de ressources, le refus de regroupement familial constitue donc une discrimination en ne prenant pas en considération l’âge, le trouble de santé invalidant, le handicap ou l’invalidité.

Or, si l’administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation en la matière, elle ne saurait se fonder sur des considérations par elles-mêmes illégales d’âge, d’état de santé, de handicap ou d’invalidité.

C’est ainsi que la discrimination est définie par l’article 225-1 du code pénal, comme étant : « toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur état de santé, de leur handicap(...) » avec la circonstance aggravante de ce délit à l’article 432-7 du code pénal, lorsque commis « par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission (...) ».

Quel que soit le large pouvoir d’appréciation qui lui est reconnu, l’administration ne peut légalement prendre une décision susceptible de qualification pénale. De telles pratiques ont pu être condamnées (notamment : CAA NANTES AMESSIS, 23/7/1998, Plein Droit jurisp. 355).

Les refus de regroupement familial qui sont aujourd’hui opposés à des personnes malades, handicapées, invalides ou retraitées sont par conséquent entachés d’erreur manifeste d’appréciation, en tant que de besoin d’erreur de droit.

C’est pourquoi nous vous saurions gré d’intervenir auprès du Ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire afin qu’une modification législative intervienne au plus vite pour que ces refus de regroupement familial, contraires notamment aux dispositions des articles 8 et 14 de la CEDH et 225-1 du code pénal, ne puissent plus être opposés.

Dans l’attente des suites que vous voudrez bien donner à nos deux requêtes, nous vous prions de recevoir, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.

RELANCE DE LA HALDE PAR LES MÊMES ASSOCIATIONS
en date du 23 novembre 2009

Objet : Relance concernant la saisine inter-associative n° AL-SZ/2008-6398-001, adressée par courrier en date du 16 octobre 2008 relative aux refus opposés à des demandes de regroupement familial à des étrangers retraités, handicapés, malades ou invalides et complément à cette saisine

Madame,

- 1/ Par courrier en date du 16 octobre 2008, nous avons saisi la Halde afin d’obtenir une délibération générale sur les refus opposés à des demandes de regroupement familial à des étrangers retraités, handicapés, malades ou invalides (cf. PJ).
Suite à différents échanges avec le Pôle Santé et Handicap en charge de notre saisine [… celui-cii] nous a informés qu’une délibération de principe n’était pas, dans un temps immédiat, d’actualité.

Dans un premier temps, la Halde se proposait d’intervenir, lorsque cela s’avérait utile, sur certains cas d’espèce évoqués dans notre saisine pour lesquels des procédures juridictionnelles étaient en cours.

Un seul dossier évoqué dans la saisine d’octobre 2008 remplit toujours ces conditions : celui concernant Monsieur O. (situation n° 4 dans la saisine), actuellement en cours devant la Cour administrative d’appel de Paris.

Toutefois, suite aux nombreux échanges [avec vos services] concernant ce dossier, cette dernière nous a informés, par courriel en date du 12 octobre 2009 : « Soit le réclamant bénéficiait de l’AAH. Dans cette hypothèse, ses revenus étaient supérieurs au SMIC et ce n’est donc pas en raison de son handicap qu’il s’est vu opposé une décision de refus de regroupement. Soit le réclamant ne bénéficiait pas de l’AAH. Dans cette hypothèse, la décision de refus de regroupement familial n’est pas liée à sa situation de personne handicapée. En conséquence, je procède à la clôture du dossier ».

Or, en pratique, les préfectures, comme le Ministère lorsqu’il est saisi d’un recours hiérarchique, considèrent que les personnes qui sont bénéficiaires de l’AAH, de l’allocation de solidarité spécifique, de pension d’invalidité, etc.., comme Monsieur O., ont des ressources « qui ne présentent pas le caractère de stabilité exigé par la réglementation » ou « qui ne présentent pas suffisamment de garantie ».

Ensuite, si une personne ne bénéficie pas de l’AAH, cela peut uniquement signifier que la personne a d’autres sources de revenus qui sont supérieures au montant de l’AAH (qui est une prestation non contributive différentielle) et qui engendre ainsi un non versement de la prestation par la CAF. Ceci ne signifie donc pas que la personne n’est pas handicapée et que le refus opposé au regroupement familial n’est pas lié à la situation de personne handicapée.

Par ailleurs et s’agissant toujours du dossier de Monsieur O., comme nous l’avions indiqué à [vos services] par mail, l’intéressé, né en 1947 (la préfecture a considéré qu’il était né le 1er janvier 1947 sur son titre de séjour) est bénéficiaire d’une pension de retraite, versée au titre de l’inaptitude au travail depuis janvier 2007.

Nous avions alors indiqué que Monsieur O. n’avait pas pu bénéficier de la modification législative intervenue en novembre 2007 concernant les demandeurs de regroupement familial détenteurs de l’AAH. Nous ajoutons aujourd’hui également, dans la mesure où nous avions nous même laissé passer cet élément, que Monsieur O., s’il n’avait pas basculé du statut de personne handicapée et invalide à celui de retraité, n’aurait pas pu invoquer cette nouvelle loi compte tenu de son taux d’incapacité compris entre 50 et 79% (la condition de ressources n’est en effet plus opposable aux seuls titulaires de l’AAH ayant un taux d’incapacité d’au minimum 80% : cf. développement infra, point 2).

Enfin, si dans notre saisine, nous avions évoqué la situation de personnes comme Monsieur O., cela avait pour objectif d’illustrer le fait que des personnes étrangères retraitées qui touchent une pension de retraite d’un faible montant ou qui sont bénéficiaires de l’allocation supplémentaire vieillesse ou de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), ne peuvent pas aujourd’hui non plus déposer de demande de regroupement familial sans se voir opposer de refus. Leur pension de retraite est faible et n’atteint pas le SMIC en raison le plus souvent de leur situation antérieure de personne invalide, handicapée, accidentée du travail, etc...

Par conséquent, au vu de l’ensemble de ces éléments, outre le fait qu’une analyse erronée a été faite sur ce dossier, nous regrettons que la Halde ne souhaite pas aujourd’hui dans un laps de temps court, rendre de délibération générale qui nous aurait utilement servi pour des cas d’espèce similaires à ceux évoqués dans notre saisine.

En effet, si une délibération ou intervention de la Halde sur un cas d’espèce est importante pour un réclamant, il nous semble aussi primordial de pouvoir utiliser des délibérations plus générales de la Halde, englobant des situations de fait distincts qui aboutissent à des discriminations.

Des délibérations de principe de la Halde permettent de donner davantage de poids à des interventions associatives faites auprès de Ministères ou de parlementaires visant à aboutir à des modifications législatives, lesquelles apparaissent comme étant plus à même de dénouer des situations récurrentes, qui par ailleurs font l’objet le plus souvent de saisine de tribunaux par les intéressés, sur les conseils et l’aide d’associations, d’avocats ou de la Halde.

- 2/ Par ailleurs, nous souhaitons par la présente également attirer votre attention sur une disposition légale discriminatoire qui nous avait de prime abord échappé. Nous venons récemment de constater que l’article L.411-5 du CESEDA qui prévoit que les titulaires de l’AAH ne peuvent se voir refuser le bénéfice du regroupement familial pour cause de ressources insuffisantes engendre une restriction qui s’avère être discriminatoire entre bénéficiaires de l’AAH ayant des taux d’incapacité différents.

En effet, l’article L.411-5 du CESEDA dispose :
« Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l’un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l’article L.262-1 du code de l’action sociale et des familles, à l’article L.815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L.351-9, L.351-10 et L.351-10-1 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d’État prévu à l’article L.441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d’un cinquième. Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l’allocation aux adultes handicapés mentionnée à l’article L.821-1 du code de la sécurité sociale ou de l’allocation supplémentaire mentionnée à l’article L.815-24 du même code ;
2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d’arrivée de sa famille en France d’un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ;
3° Le demandeur ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d’accueil. »

Ainsi, les dispositions relatives aux conditions de ressources s’appliquent uniquement aux titulaires de l’AAH, telle que prévue à l’article L.821-1 du Code de la sécurité sociale, ceux dont le taux d’incapacité est d’au minimum 80%, mais ne s’appliquent pas aux titulaires de l’AAH, telle que prévue à l’article L.821-2 du Code de la sécurité sociale, ceux ayant un taux d’incapacité compris entre 50 et 79%, lesquels bénéficient de l’AAH parce qu’ils sont considérés comme étant dans l’impossibilité et l’incapacité de travailler.

Ce faisant, bien que reconnus handicapés et inaptes au travail et par conséquent dans l’incapacité d’exercer un emploi pour augmenter leurs sources de revenus, ces derniers, en raison d’un taux d’incapacité insuffisant au regard de l’article L.821-1 du code de Sécurité Sociale et du fait qu’ils ne disposent pas de ressources au moins égales au SMIC, ne peuvent pour autant faire venir leur conjoint en France. Ce faisant, cette discrimination opérée entre bénéficiaires de l’AAH n’apparaît pas proportionnée et justifiée. Il y a même en l’espèce, selon nous, une atteinte disproportionnée portée au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale normale en France, telle que protégée par l’article 8 de la CEDH.

A ce jour, nous souhaiterions sur ce point que la Halde intervienne auprès du Ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire afin qu’une modification législative intervienne au plus vite, s’agissant de l’article L.411-5 du CESEDA, afin que la discrimination légale opérée entre bénéficiaires de l’AAH au titre de l’article L.821-1 du Code dela sécurité sociale et bénéficiaires de l’AAH, au titre de l’article L.821-2 du code de Sécurité Sociale ne perdure plus.

Nous espérons que notre saisine, en date du 16 octobre 2008, pourra faire l’objet prochainement d’une délibération générale de la Halde.

Nous sommes évidemment prêts à vous adresser, lorsque les intéressés auront donné leur accord, tous les refus venant illustrer les situations non couvertes par la modification législative de novembre 2007, s’agissant des dispositions relatives au regroupement familial, afin qu’une telle délibération puisse être validée par le Collège de la Halde.

Nous restons aussi à votre disposition pour toute information qui vous paraitrait utile.

Dans l’attente des suites que vous voudrez bien donner à la présente, nous vous remercions de votre attention et vous prions de recevoir, Madame, l’expression de notre considération distinguée.

[1] Désormais OFII