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Une fois encore, une justice en faux-semblant

Injustice très partiellement réparée à l’égard de six anciens combattants marocains.

La presse a fait état de la décision du tribunal administratif de Bordeaux, le 8 octobre dernier, de faire droit à la demande de ces Marocains, titulaires d’une pension militaire de retraite. Ils devront désormais la recevoir en intégralité. Anciens militaires de carrière de l’armée française et combattants dans ses rangs, ils demeuraient victimes de la discrimination bien connue qui ne leur faisait toucher qu’une infime portion de leur retraite. Dans sa décision le tribunal demande au ministre de la défense de mettre fin à son refus de revaloriser leur pension et de la leur verser exactement comme elle l’est aux retraités militaires français.

Certains ont célébré cette décision comme une grande victoire, d’autres même comme une décision historique. Cet emballement doit être un peu modéré. Victoire certes, mais bien tardive ! Elle peut même, en principe, être remise en cause. En effet, le ministère a encore la possibilité d’aller en cassation au Conseil d’État. Le fera-t-il ? C’est possible, mais ce ne serait alors qu’une manœuvre dilatoire car il a moins d’arguments que par le passé à faire valoir. Mais ne joue-t-il pas précisément la montre jusqu’à la mort des derniers survivants et de leurs veuves pour n’avoir alors plus rien à payer ?

- Victoire tardive.
Cela fait quand même bientôt 7 ans, le 30 novembre 2001, que le Conseil d’État avait fait droit à la demande de l’ancien sergent-chef sénégalais Amadou Diop, qui réclamait exactement la même chose. Depuis lors d’autres instances judiciaires ont fait droit à d’autres requérants se trouvant dans des situations similaires. Mais cela a toujours été suite à une longue, très longue procédure, propre à décourager le plus grand nombre, devant les obstacles dressés à chaque étape par un État français obstiné dans son refus d’honorer ses dettes.

- Décision historique ?
Cela c’est très discutable. En effet ce qui a fait date, en ce domaine, est l’arrêt Diop, cité ci-dessus, mais qui n’a pas réussi à faire bouger la France d’un pouce. L’aspect nouveau de l’affaire est peut-être, que pour la première fois à notre connaissance, plusieurs dossiers ont été présentés en même temps avec les mêmes arguments. Ils n’en restent pas moins que ce sont des dossiers individuels, présentés à titre individuel.

Les décisions du TA à l’égard de ces requérants marocains pouvaient difficilement être différentes, après la réponse de la Cour de justice des Communautés européennes, en date du 13 juin 2006, à la question préjudicielle posée par le tribunal départemental des pensions militaires du Morbihan. La situation était un peu différente, mais pleinement transposable dans ses conclusions. La discrimination fondée sur la nationalité n’est pas compatible avec les accords d’association euro-méditerranéens signés par l’Union européenne avec différents pays du sud de la Méditer­ranée, dont le Maroc.

Même pour ces derniers la victoire reste amère en considération de l’énergie qu’il a fallu déployer pour en arriver là et ne voir le préjudice réparé que pour les quatre dernières années. La France s’exonère bien facilement des dizaines d’années d’injustice et de mépris. Il y a donc mille bonnes raisons de la siffler quand elle exhibe ses symboles !

Mais il y a une autre raison de ne pas être satisfait du verdict, même si nous ne pouvons que nous réjouir pour les six Marocains concernés. Le tribunal le même jour, avec la même composition, a refusé le même droit à un Sénégalais se trouvant dans la même situation, parce qu’il était sénégalais — tout comme Amadou Diop.

Le tribunal a donc fait sien l’alibi du gouvernement qui prétend avoir procédé à une décris­tallisation équitable des pensions civiles et militaires par l’article 68 de la loi du 30 décembre 2002, qui n’est qu’un faux-semblant [1] pour maintenir une discrimination dénoncée et condamnée par la convention européenne des droits de l’homme.

Il n’y a donc pas lieu de se réjouir inconsidérément d’une décision qui laisse perdurer cette discrimination à l’égard du plus grand nombre. Elle contraint ceux qui sont épris de justice à continuer leur lutte pour faire triompher le droit et réparer l’injustice. [2]

25 octobre 2008

*****

[1] Voir p.7 et suivantes de la publication Catred/Gisti qui analyse les dispositions de cet article

[2] Voir aussi, concernant la « décristallisation » inscrite dans la loi de finances pour 2007 : notre site ainsi que le dossier qui lui est consacré sur celui du Gisti

Version téléchargeable

 

 

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